Pour 2019, des Vœux pour traverser le pont des années futures…

« Ce que je raconte, c’est l’histoire des deux prochains siècles. Je décris ce qui viendra, ce qui ne peut manquer de venir : l’avènement du nihilisme. […] Toute notre civilisation se meut depuis longtemps déjà, dans une attente torturante qui croît de lustre en lustre et qui mène à une catastrophe ; inquiète, violente, précipitée, elle est un fleuve qui veut arriver à son terme, elle ne réfléchit plus, elle redoute de réfléchir. ». Voilà ce qu’écrit Friedrich Nietzsche peu avant 1890.  

Notre civilisation sent l’impasse. Sent le déclin. Sent la mort. Notre civilisation n’instruit, ni n’éduque : elle formate. Produire et consommer forment la spirale sans issue de notre monde occidental. Mais…

L’inexorable alternance du temps devrait, sinon nous rassurer, du moins nous avertir, des aléas de l’Histoire, pointer du doigt les séismes précurseurs de la chute de l’empire. Notre empire. L’Histoire et philosophie peinent à respirer. Etouffent, privées d’oxygène et d’attraits pour le « commun des mortels ». Mais…

Nous immolons, dans un même holocauste, Dieu(x) et la raison, sur l’autel de nos envies primaires. Sans cesse, tel Adam et Eve, nous décrochons les fruits de l’arbre de la connaissance, négligeant les fruits du vrai-savoir qui feraient de nous des Êtres-de-Savoir. Des Êtres transcendants. La technique n’est qu’une marche du progrès. Pas une finalité. La technique pour la technique génère l’angoisse, puisque sans fin. L’angoisse fomente le séisme.

Séismes : toute l’Histoire de l’Humanité n’en est que successions… et le Monde continue de vivre. L’autodafé mémoriel est l’héritage pour qui sonne l’alarme. Ces possibles leçons sont brûlées au brasier de l’oubli. Nos trous de mémoire sont un immense trou noir. Malgré cela, au fond du désespoir, l’œil regarde la horde des Caïn qui pour le fuir se divertissent, se gavent de chimères en guise de consolation des angoisses métaphysiques. Mais..

« Je ne pense pas donc j’existe. ». Mais…

L’animal, toujours à l’affût, surgit de l’Homme. L’animalité irraisonnée crée, dans un sursaut de colère et de désespoir, le séisme. Le séisme anarchique dépassé, car lui aussi « impasse », accouche du totalitarisme. Le totalitarisme change l’anarchiste en soldat docile. 1789 accouche de Napoléon…

Voilà, direz-vous, un triste tableau pour des vœux ? Mais le tableau n’est que la projection des illusions. De l’Illusion !

Nous sous-estimons les forces sismiques humaines. Elles peuvent, elles ont bien souvent, au fil des siècles, généré des cataclysmes. L’Être-Humain, peu-à-peu, transforme ces forces indomptées en énergies nouvelles, efficaces. Il est des champs à explorer où des forces, actuellement anarchiques, pourront muter, lentement, en énergies transcendantes : « Ordo ab chaos ».

Faire que l’essence, la Quinte-Essence (?), vienne épouser la substance de l’étant…  

Alors se déchirera le voile des illusions…de l’Illusion. ἀλήθεια !

Acceptons les aléas de la vie, mais sans nous y abandonner car nous devons participer à l’évolution, à la révolution sans même être convaincu, ni de nos capacités, ni de notre bon-droit, ni de nos droits, mais convaincu que cela est notre Devoir. Comme l’écrivait le poète germanique, Friedrich Hölderlin :

« Là où croît le péril,

Croît aussi ce qui sauve. »

Nous pouvons douter de tout, sauf de la marche sur laquelle nous prenons appui pour douter de tout. Faisons de 2019 un pont à bâtir, un tremplin qu’il faudra bientôt quitter.

Etienne Lallement – 26 décembre 2018

Friedrich Nietzsche : https://www.editions-ellipses.fr/PDF/9782729871529_extrait.pdf

Friedrich Hölderlin (1770-1843) https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_H%C3%B6lderlin