Le maître du lieu : Guy FerdinandPlage de Petibonum
C’est un bonheur pour nous d’assister aux concerts qu’offre l’ensemble de musique de chambre « Quintette de La Martinique » au soleil couchant sur la plage du Carbet au sein du restaurant « Le Petibonum ».
Mais, depuis un certain temps, l’épidémie virale covidienne étant passée par La Martinique le soleil se couchait sous la vague sous les seuls bruissements de la nature tropicale. Les couvre-feux renouvelés privaient l’astre de ses adorateurs.
Vers la fin de l’année 2021, l’espoir renaissait. Un vent de folie destructrice devait encore retarder le retour des harmonies. Une ou des mains meurtrières allumaient un incendie qui détruisit jusqu’au sable le Petibonum et son voisin le Pélican.
Les yeux se tournèrent rapidement vers les opposants à un projet immobilier porté par Guy Ferdinand qui clamèrent leur innocence. Puis un courrier signé « Matinik Doubout » arrivait chez trois restaurateurs leur signifiant que les établissements exigeant le « Pass Sanitaire » subiraient le même sort incendiaire…
Très vite, un élan de solidarité unissant des professionnels, le personnel, la mairie du Carbet, des anonymes… répondait à l’appel du propriétaire du Petibonum pour sauver l’établissement de la faillite.
Voilà 16 ans que l’activité prospère sur la plage où nait la mer des Caraïbes. Le soleil ne s’y est pas trompé. Il a choisi cet horizon pour prendre en un spectacle grandiose toujours renouvelé, ses quartiers nocturnes.
Il ne faut pas s’arrêter à la dénomination « de plage » pour qualifier les plats proposés à la clientèle. Autour de notre table, écrevisse sauce créole, loups boucanés et burger Roger aux épices prouvaient une carte recherchée et originale. Et pourtant, faire une cuisine d’une qualité certaine sur des instruments qui relèvent plutôt du barbecue géant est un miracle ou la preuve d’un professionnalisme hors-paire.
En cette soirée du 19 février 2022, les musiciens du Quintette de La Martinique s’unirent pour un Te Deum de résurrection en proposant une ballade crépusculaire du Baroque à aujourd’hui. Haendel, Rameau, Bizet, Ravel, Gluck, Piazzolla nous enveloppèrent de leurs mélodies jusqu’à la nuit.
Petit bémol : la destruction du carbet de bois où les musiciens s’épanouissaient autrefois ne permet pas une bonne diffusion des sonorités dans toutes leurs subtilités. Mais patience ! Le maître des lieux a promis qu’il reconstruira “très vite et que se sera mieux qu’avant“.
“ki ka pliyé mé ki paka kassé”
L’acculturation et les bains de haine mènent à l’irréparable pour la main criminelle et pousse la victime à se sublimer.
Etienne Lallement – le 23 février 2022 – Saint-Joseph – La Martinique –
Echos aux vœux pour 2022 émanant de Jacques, Jean-Marie, Patrick, Françoise, Hélène, Bernard, Eliane, Marie-Hélène, Stephan, Lisette, Mireille, Annie, Guillaume, Jean-Claude, Dominique et tous les autres… Gylna portait l’ultime estocade votive dans les dernières heures de janvier. Je ne retiens les prénoms que des derniers messages arrivés, de ceux qui déployaient quelques lignes. Le plus prolifique des quelques trois-cent-cinquante correspondants, nous gratifiait de deux pages! Vous comprendrez qu’il m’est impossible de répondre à tous individuellement.
En fait, il faut dire que ,de plus en plus, les messages se limitent à des animations sur les réseaux sociaux aussi chatoyantes qu’exubérantes en explosions pétaradantes. Nous avons même reçu le même feux d’artifice vingt sept fois! Record de ce début d’année! Par contre, nous n’avons reçu qu’une seule fois un feu d’artifice sous forme d’éclosions accélérées de fleurs. Merci Annie.
“Artifices” serait-il le mot le plus caractérisant de notre civilisation en 2022?
Par habitude, pudeur, discrétion, par peur même, chacun d’entre vous utilise le support de son choix, Messenger, WhatsApp, mail ou téléphone avec ou sans vidéo délaissant l’espace dévolu sur le blog. Rien de ce genre dans la boite aux lettres désespérément vide au portail de la maison. Mais que deviennent les éditeurs de cartes-postales et nos amis les facteurs en cette période d’intenses échanges? Sont-ce des victimes collatérales de plus d’un progrès galopant?
La verve épistolaire déployée me confirme une fâcheuse tendance à la “déprime“. “Déprime” amorcé depuis quelques années et toujours en accélération. En macération! Force est de constater que notre époque se complait de “copier/coller”, noyant trop souvent la pensée individuelle en un marécage glauque générateur de remugles indifférenciés. A respirer ces effluves, la tête me tourne. Le nauséeux étouffe la fragrance. Mais soyons conscient qu’un seul fruit pourri rend insupportable le panier tout entier. Dix fruits sains ne sauveront pas la réputation du même panier.
Le nœud du drame est là. Le bonheur est moins contagieux, moins évident, moins communiquant que le malheur et la haine?
Et pourquoi donc?
Dans la course effrénée de la vie, les “optimistes” sont l’essentiel du “peloton” de nos correspondants. En toute discrétion. En trop de discrétion. Par gêne? Par peur? Mais la question doit se poser: optimisme sincère ou optimisme “forcés”? Émile Coué de la Châtaigneraie a toujours des adeptes!
Si ma propre missive initiale a pu paraître “pessimiste“, mon alerte se limite à l’état d’esprit de mes contemporains et non à la vie. La vie est la vie. La vie est vie. Depuis la nuit des temps, sans faillir!
D’Auvergne, sous la plume d’un Jacques et de sa muse Maryvonne, mes propos sont qualifiés de “jouissifs” et de “parler vrai“. “Jouissifs” flatte mon ego. “Parler vrai” m’interpelle. Un autre Jacques me remercie d'”écriretout haut ce que nous sommes nombreux à penser confusément, sans savoir le formuler, ou plutôt sans vouloir le clamer avec honnêteté aussi clairement.”.
Pour vivre heureux, faut-il vivre caché? L’être heureux n’a-t-il pas le droit de témoigner de son bonheur, de rayonner? La peur de perdre “notre petit bonheur” nous fait-elle nous ceindre de sombres remparts? La crainte de l’autre ou la volonté de l’ignorer ne nous transforment-t-elles pas en tortues promptes à se caparaçonner? Lenteur et prudence du timoré font de lui le gibier de prédilection du prédateur.
Paradoxe supplémentaire, s’il en fallait, le bonheur rend parfois honteux celui qui le possède.
Jean-Marie se sent tel un “être pestiféré dans sa retraite [qui] observe avec une épouvantable lucidité ce qui se passe dans mon cher pays. La rancœur qui suinte de tout côté […] . Un monde complètement dingue, anthologie de la maladie mentale […] Je ne désespère malgré tout pas de l’Homme.”.
Ces derniers propos peuvent résumer l’amplitude de l’ensemble de vos messages. J’y reviendrai en conclusion.
“Souffre que je ne réponde pas pareillement. Je vous embrasse “fraternellement” et ce mot résonne chez moi car il émane d’un lieu où l’écho est infini.“… […] “Que cela ne nous empêche pas d’espérer.”
“Ne réponde pas pareillement“!. Bien heureusement! Il appartient à chacun de s’exprimer selon sa personnalité. Fi de plagier le correspondant ou de copier une forme épistolaire qui nous est étrangère. Dans toute correspondance, soyons “nous-même”. La volubilité n’est pas toujours signe de “qualité” d’écriture ni, surtout même, signe de “sincérité”. Dans les échanges, la sincérité prime surtout. Sur tout! Trois lignes peuvent l’emporter sur trente page. (Laissez ici l’ignoble que je suis battre sa “coulpe”sans rougir). Le mot “fraternité” me réjouit venant “d’un ami fidèle”. L’efficience de ce mot ou plutôt de la réalité qu’il est censée représenter possède la capacité de changer la face du monde. Mais… notre époque le voit s’atrophier comme “peau de chagrin” chez les “Cassandres”. Les beuglements démago-politiques de tout bord semblent vouloir sa perte alors même qu’ils en revendiquent les valeurs! Hypocrisie! “Narcisse et Ego” sont le couple infernal de notre époque hypermédiatisée. Même les hérauts de la “fraternité sacralisée” dont nous sommes sont gangrénés. “Alerte! On ENTRE en profane…“
Plus optimiste, l’une d’entre-vous, perçois “des signes de partage, amour, amitié, lumière, espérance“. Tout n’est donc pas perdu si nous sommes capables de “percevoir” des qualités universelles qui ne pourront vivre, survivre que si nous les portons comme des réalités de vie. De nos vies!
Un couple de nos amis nous souhaite “Une santé en inox!“. Toute expression de la vie, philosophique, mentale, sentimentale, professionnelles ou religieuse ne peut s’épanouir qu’adossée à la “bonne santé”! L’équilibre philosophique, mental, sentimental, professionnel ou religieux doit concourir au “capital santé” et à la vitalité qui permettra de faire face à la maladie. Cette “quête d’équilibre” doit être une priorité de l’éducation.
D’autres envois sont plus concis, mais tout aussi vivifiant: “Santé! Santé! Santé! Que 2022 soit explosif“. Nous prenons cet appel au sens le plus positif. Cette Annie n’a rien d’une terroriste mais prône “l‘explosion de bonheur, de paix et d’amour!“
Un couple de “nordistes”, envisage pour nous “des rencontres, des découvertes, amour et bonheur partagé.“. Voilà sans doute des composants essentiels de la “recherche d’équilibre“. Vivre par l’autre au travers de l’autre. L’équilibre personnel ne peut se concevoir que dans la quête d’osmose dans l’environnement humain. Là aussi, il faudra aller à l’encontre des “vociférateurs-semeurs-d’angoisse” qui prêchent l’ostracisme, la xénophobie et le repli identitaire.
Une amie “très chère” du midi scrute dans le retro “les êtres chers, les amis véritables” qui nous laissent désormais continuer la vie sans eux. Du moins physiquement…[“A d’autres dimensions Domi!“] En effet, “l’année(2021) a creusé des trous irréparables.”. Faisant fi des réseaux sociaux elle prend le temps d’écrire à chacun des “amis triés sur le volet“. Les mots “Je vous aime, vous me manquez! mettent un point d’orgue à notre émotion en ce temps de convenances polies, impersonnelles ou intéressées. Elle suspend son trait par “Vivons le mieux du monde! Paix! Amour!“. Qu’ajouter de plus vibrant?
J’en terminerai avec les citations avec Guillaume qui souhaite de “s’épanouir pleinement, croquer la vie à pleine dents. Il ne tient qu’à nous de faire de 2022 une merveilleuse année. L’important, c’est qu’il y ait le moral!“. Conclut-il.
En conclusion, laissez-moi vous présenter mes “intuitions”, tentatives explicatives de cette désespérance insidieuse “qui crève les écrans”. Ecrans qui masquent les chausse-trappes qui piègent
notre chemin…
En 70 ans de ma propre vie, j’ai pu constater une nette progression de la qualité de vie. Dans les années 50/60, période de reconstruction d’après-guerre, des bidons-villes cernaient nos métropoles urbaines. Très peu de familles disposaient de téléphones, de télévision, de toilettes dans les habitations, de salle de bain….Réfrigérateurs, machines à laver le linge, à laver la vaisselle étaient les vedettes du salon des arts ménagers et alimentaient les scoop de l’information mais pénétraient doucement, très doucement les demeures françaises les plus aisées. Les Français consommaient essentiellement “français”. Les informations étaient contrôlées par le pouvoir. Le pouvoir envoyait nos pères, nos frères, en Algérie pour une guerre qui n’en portait pas le nom mais qui endeuilla bon nombre de familles. [près de 25 000 morts, dont 15 500 au combat ou par attentat, 65 000 blessés et 485 disparus]. Combien de combattants rentrèrent traumatisés?
Puis tout s’accéléra dans les années 70. Les progrès de la technologie partirent en flèche, laissant à la traîne l’éducation qui n’avait pas le temps de s’adapter. Les offres de consommation explosèrent en quantité. Les produits disparaissaient noyés sous les rêves entretenus, noyautés par les chaînes de la commercialisation.
La vie devenait l’art d’assouvir ses rêves matériels!A tout prix!
Ce tableau – ci dessous – n’a pas de valeurs absolues. Imaginons que le “temps” s’écoule de la gauche vers la droite sur une période équivalant à la vie moyenne d’un humain (France). La ligne brisée représente l’évolution de la “qualité de vie ressentie” au sens le plus large du terme. La ligne rouge est l’évolution “lissée” de la qualité de vie ressentie sur la totalité de la vie de cet humain.
Ce graphique ne possède pas de valeurs absolues, ni en abscisse, ni en ordonnée.
Flèche “C”: le jeune enfant dans toute son innocence découvre la vie et ne peut la valoriser qu’au contact de ses parents et de ses éducateurs. L'”ambiance” de la prime jeunesse conditionnera à vie.
Dès l’adolescence, l’esprit critique fera surface avec ses angoisses et ses révoltes. Le conditionnement de “l’être” sera encore l’effet de l’environnement humain dont le cercle ne cessera pas de s’étendre. Puis, rapidement, notre culture de communication à outrance amplifiera l’ouverture aux “mondes conditionnés”. De plus en plus conditionnés!
L’âge adulte (pic 1 du graphique). A ce stade, ayant vécu une période de “progrès”, le jeune adulte constatera une régression dans sa perception de la vie. Cette perception étant “dans l’air du temps”, c’est la majorité d’une génération qui méconnaitra progressivement l’espérance et se réfugiera dans les soins palliatifs de la surconsommation tout azimut. L’inanité sera loi.
L’âge adulte (pics 2, 4, 6 du graphique). Ayant atteint un point critique de la descente aux enfers, cette génération “donnera un coup de pied au fond de la piscine” qui lui permettra de remonter en direction de la surface. (flèches A et B).
Depuis la nuit des temps, “l’esprit religieux”, “la foi” tenaient lieu de coup de pied. Il faudra désormais suppléer à sa défection pour trouver une nouvelle énergie. Une nouvelle “spiritualité”? Sous quelle forme?
Toute la vie de “l’individu” et, par delà, de la “collectivité” sera faite de “hauts et de bas”.
Actuellement, nous nous sentons en régression. L’évolution “des valeurs” nous alerte, nous angoisse. Il ne s’agit qu’une courte vue de l’esprit car nous réfléchissons à l’aune de notre seule existence très limitée dans le temps. A notre insu, le progrès de l’Humanité est en marche. Cela se paiera par la chute plus ou moins prononcée de notre civilisation. Les Egyptiens, les Grecs, les Mayas, les Romains…Ces civilisations ont plus ou moins disparues mais nous en sommes les héritiers “culturels”. Héritiers d’une spiritualité désenfumée. Les pyramides, leurs temples, les momies, les œuvres d’art et les écrits même ne sont qu’épiphénomènes. L’héritage est immatériel et intemporel. A nous de l’enrichir pour que, peu à peu, très lentement mais sûrement, en transmettant notre expérience, l’Humanité érige une “Ethique”, un “art de vivre ensemble”, une “science du bonheur”.
A l’échelle de la Vie, nous ne pouvons qu’avoir confiance.
A notre petite échelle temporelle, le désespoir ne peut-être que de mise, à moins que …
Que les êtres heureux se lèvent et proclament leur bonheur à la face du monde!
Et nous verrons bien qui sont les plus nombreux!
Béatrice & Etienne Lallement – janvier/février 2022 – Saint-Joseph – Heureux en l’Ile de La Martinique
J’écrivais ce texte il y a huit ans alors que nous vivions en Inde. Je ne peux malheureusement que confirmer mes assertions de l’époque.
“Quelle est la première partie de la politique ? L’éducation. La seconde ? L’éducation. Et la troisième ? L’éducation.” Le Peuple, Jules Michelet, éd. Paulin, 1846, chap. IX , « La politique identique à l’éducation », p. 310
Est-ce qu’un jour, nos “politiques” auront le courage de donner la priorité des priorités à “l’éducation”. Mais le malheur veut que chacun d’entre-nous donne au mot “éducation” sa propre signification et veut la transformer en assise de son pouvoir et de sa raison. Elle devient donc une atteinte à la liberté et, en même temps, le parent pauvre de la République. Les débordements actuels en tout genre, sont les fruits d’une éducation galvaudée prisonnière d’intérêts partisans. Nous paierons, et nos enfants encore plus, les dividendes de la politique de la terre brûlée. La politique du court terme. La politique du “après moi le déluge”. Et pendant ce temps, le Monde avance sans nous. Quand la presse indienne parle de la France, c’est pour parler d’un pays en guerre en Afrique ou des aventures sentimentales du président de la République. Ne serons-nous que cela aux yeux du Monde?
Les civilisations s’écroulent… l’Occident sera-t-il capable de résister à la fatalité? Sommes nous au crépuscule d’hommes devenus fous? Le soleil se couche à l’Ouest.
Etienne Lallement – le 2 février 2014 – Chennai – Tamil Nadu – Inde