De ces livres qui nous font du bien…02

De la Banque-de-France peut-il émerger une fable initiatique, une onction philosophique, une immolation libératrice? Purificatrice?

L’œuvre de Yannick Haenel dégangue.

412 pages libératrices de préjugés.

Banquier as-tu du coeur? Mieux! Notre banquier peut être un poète! Pire: un philosophe! Non de ceux qui débitent les citations comme ils respirent, mais de ceux qui vivent de leurs propres pensées. De leurs rêves. De leurs utopies. Charger un “jeune diplômé” des dossiers de surendettement dans le béthunois était une gageure, un défis, une façon de se libérer d’une “patate brûlante” dont personne ne veut.

Mais, ici, une seule étincelle met le feu aux poudres de la conscience prédisposée. Mais, n’est-ce qu’un roman?

Pourquoi planter le décor à Béthune? L’auteur avait été sollicité pour participer à une “mise-en-œuvres” au sein des anciens bureaux de la Banque-de-France devenus lieu de culture: “Lab-Labanque”, église désacralisée de l’argent-dieu.

De ce façonnage, de cette arrivée dans la gare dont les abords “avait l’allure d’une ville fantôme”, dans “ce pays de pauvres”, allait se libérer “un livre”. L’auteur écrit lui-même dès les premières pages: “En toute occasion, j’attends ce trouble qui déclenche les romans.”. “Troubles”, il y eu. De cette première impression, venant crever le rempart des préjugés, viennent s’immiscer et prendre une place majeure “les Compagnons d’Emmaüs” et surtout les “Charitables”.

La Charité peut-elle être une vertu cardinale des prêtres de l’argent-divin immolant, juste ce qu’il faut, “le pauvre”, surtout surendetté? Le pauvre sans dette est une calamité pour le secteur bancaire. Le pouvoir sur autrui vient de ce qu’il doit.

Ce livre concentre pensées philosophiques, sociales, psychologiques, passionnelles, charnelles, économiques, politiques… avec juste un zest d’érotisme.

Un dosage subtile qui m’a passionné, moi qui ne lit jamais de roman à moins qu’un ami me l’offre!

Merci Marco!

Yannick Harnel : “Le Trésorier-payeur” collection “Infini” chez Gallimard

Postface:

Ce livre m’a donc été offert par mon ami Marco après qu’il eut écouté l’émission de France-Inter et les échanges de l’auteur Yannick Haenel avec l’animatrice Laure Adler. Heureusement, je n’avais pas écouté l’émission avant la lecture. Cela aurait bridé mon intellect et limité mon imagination. Si vous avez décidé de lire le livre, n’écoutez pas. Si vous hésitez de lire, alors écoutez à vos risques et périls.

L’Heure Bleue – France-Inter – Laure Adler – Yannick Haenel

France – Inde… naguère

P1150717Devoir de mémoire : phase 1

Je suis né, j’ai vécu longtemps et travaillé dans le nord de la France près de Béthune et d’Arras dans le département du Pas-de-Calais. Il existe, au coeur de cette région, un monument à la gloire de l’Armée des Indes qui voit chaque année se dérouler une cérémonie du souvenir. Chaque année, cette cérémonie se fait plus discrète. Plus humble. Chaque année, les blessures de la guerre 1914-1918 se diluent dans le temps, s’effacent des mémoires. Dans cette région qui fut dévastée par plusieurs années de folie guerrière, le gouvernement britannique conserve et entretient religieusement et à grands frais, les témoignages de pierre d’un autre âge, l’âge de mes grands-parents, l’âge des ancêtres de mes petits-enfants : ces derniers n’en connaitront ni l’histoire, ni même les noms.

Ce monument, dressé dans la campagne de la Flandre française, est situé à Richebourg, au lieu-dit la Bombe. Il a une superficie de 3280 m2 . Il est dédié à la mémoire des tués et disparus des unités Indiennes.

Le mémorial a été inauguré le 7 octobre 1927. L’architecte est Sir Herbert Baker (un des créateurs du Delhi moderne).

P1150719Quelques lignes estraites des journaux de l’époque de son inauguration :

Compte rendu du Réveil du Nord dans son édition du samedi 8 octobre 1927 :

 « Pour rendre hommage et perpétuer le souvenir de l’héroïsme des troupes des armées de l’Inde qui combattirent sur notre sol durant la guerre, le gouvernement impérial anglais a fait ériger, sur un coin du territoire de Richebourg-l’Avoué, à quelques centaines de mètres de la commune de Neuve-Chapelle, un gigantesque monument, des plus importants que nos alliés aient érigé sur notre sol. Ce monument d’une architecture toute spéciale a l’aspect d’un forum flanqué de deux pavillons surmontés d’arcades et d’une colonne de dix sept mètres portant l’étoile des Indes. Chaque côté, deux énormes tigres, symboles religieux hindous. »

Quelques personnalités présentes : Lord Birkenhead, secrétaire d’État des provinces indiennes ; lord Witterton, sous-secrétaire ; lord Crewe, ambassadeur d’Angleterre à Paris ; le maharadjah de Kapurthala ; le romancier Rudyard Kipling, Lady Smith, le général Fabiau Worck et de nombreux officiers généraux et subalternes de l’armée anglaise.

« Ces personnalités, suivies de leur suite (sic), se rendirent de bonne heure à Neuve-Chapelle pour recevoir et saluer le détachement d’officiers hindous, représentant tous les régiments de leur pays, venus en uniforme, rendre hommage à la mémoire de leur compatriote et frères d’armes. » .

Auparavant avait eu lieu une cérémonie intime des personnalités et du détachement de soldats indiens à l’intérieur du monument.

P1150718Les discours : « C’est le général sir Claude Jacob qui ouvre la série des discours ; il s’exprime en anglais. Après avoir salué à nouveau les personnalités présentes, il fait l’historique des combats auxquels participèrent les soldats des colonies indiennes qui venus des régions les plus lointaines ont vaillamment fait leur devoir et versé leur sang pour la cause du droit et de la liberté. Le maharadjah de Karpurthola, vêtu d’un original costume indien et coiffé d’un turban, lui succède. Il s’exprime également en anglais. Il dit que les indiens sont fiers d’avoir contribué à repousser le tyrannique envahisseur et d’avoir aidé à la victoire du droit. ».

Le maréchal Foch parle à son tour des troupes indiennes qui, comprenant plus d’un million d’hommes, combattirent sur le front français et aux Dardanelles.

« C’est à Neuve-Chapelle que les troupes indiennes participèrent à la première offensive. Au bout de quelques jours de combats, elles refoulèrent les troupes de l’envahisseur, supérieures en nombres et en matériel, firent de nombreux prisonniers et reprenaient le territoire de Neuve-Chapelle. Leur exemple de courage exalta le moral. Il était juste qu’un mémorial soit élevé en l’honneur de ceux qui contribuèrent si vaillamment à obtenir la victoire. Venus des régions chaudes sur la terre froide du Nord, les soldats indiens ont permis de libérer nos régions envahies. Nous garderons le souvenir de leur exemple. »

 

Le Télégramme du Pas-de-Calais et de la Somme, donne également un compte rendu de l’inauguration dans son édition du 8 octobre 1927 :

« L’inauguration du mémorial de Neuve-Chapelle.

L’aide de l’Empire des Indes. Le lieutenant général Anderson, ancien commandant de l’armée des Indes, monte le premier à la tribune. Il rappelle qu’il y a treize ans, le vœu émis par le roi d’Angleterre, que les Indes participent à la défense de l’Empire, avait reçu de ce joyau de la couronne beaucoup plus qu’on pouvait espérer. 35.000 hommes de troupes d’infanterie, cavalerie et sapeurs, venaient renforcer le corps expéditionnaire anglais. Le général fait ressortir combien ces hommes de toutes races, de toutes langues, et de toutes religions, firent du bon travail pendant quinze mois, de Givenchy-lès-la-Bassée à Festubert, et dit que les glorieux morts , rappellent à ceux qui survivent, leur devoir de loyauté.

Le maharadjah de Kapurthala, après avoir remercié l’Imperial War Graves Commission de la création du monument, dit que son pays n’a pas de raison plus grande d’être fier que celle d’avoir servi la grande cause. Il cite quelques détails inédits de l’organisation de l’armée des Indes, loue le sacrifice de ceux qui sont morts, et il termine ainsi : « Vaillante fut leur vie, que douce leur soit la paix par-delà les tombes ».

Lord Birkenhead. Il fait l’éloge de ceux qui ont tout donné pour la gloire de leur pays, n’ayant rien de plus à offrir que leur vie. « Ceux que nous célébrons, dit-il, ont souffert noblement de trois manières. Des milliers de milles les séparaient de leur propre pays, ils combattaient au milieu de peuples qu’ils ne comprenaient pas toujours et pour une civilisation qui n’était pas la leur. Ils combattaient dans un climat auquel ils n’étaient pas habitués, climat qui leur devenait un ennemi de plus et non le moindre. Ceux qui sont morts combattaient dans une querelle dont les raisons échappaient à leur compréhension.Combien de très humbles soldats pensaient au village lointain, tranquille, sans menace, riant au soleil brûlant et se demandant pour quelle insaisissable raison, une divinité inconnue les avait jetés dans cette fournaise »

Les noms inscrits sur le mémorial sont classés par unités. Ils sont 4.847.

 

Devoir de mémoire : phase 2

Arrivant à Chennai en janvier dernier, j’ai commencé à explorer votre pays qui devient le mien pour deux ans.

Parmi mes nombreuses découvertes,  j’ai visité le « Victory War Memorial » à l’extrémité nord de Kamarajar Salai : je ne fus qu’à moitié surpris de trouver marqués dans la pierre : Arras et French Flanders.

A plus de 8 000 kilomètres de distance, les pierres dressent un pont du souvenir. Elles agitent en nos mémoires les flammes d’un sacrifice commun. Elles crient « plus jamais ça ». Elles écrivent un appel, un hymne à la Paix Universelle.

Sauront-elles convaincre ?

http://memoiresdepierre.pagesperso-orange.fr/alphabetnew/r/richebourgindien.html

http://www.lavoixdunord.fr/region/l-hommage-aux-soldats-indiens-hie…